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TOURNAGE // SHOOTING // PART 03

Publié par ALEXANDRE LIEBERT sur 5 Octobre 2012

TOURNAGE // SHOOTING // PART 03

En - presque - direct du café du coin, à la sortie du village de Tut. Les rires s'enchainent et les yeux s'ouvrent grands d'étonnement. La discussion tourne autour du prix du café. Ici, à Kampot, un grand café frappé est à 25 centimes de dollar, et en bonus vous avez du thé à volonté. En France, à la terrasse d'un simple troquet, un minuscule expresso coûte à lui seul jusqu'à 2 euros.

Direct live - almost - from the local bar, at the exit of Tut village. Everybody laugh and eyes big opened of surprise. The discussion turns around the price of the coffee. Here, in Kampot, a big iced coffee cost 25 cents of dollar, and in bonus you have free liters of tea. In France, at a simple coffee terrace, a tiny espresso costs alone up to 2 euros.

TOURNAGE // SHOOTING // PART 03

La vie est clairement moins chère ici, mais les salaires sont bas, les avantages sociaux inexistants, et le SMIC horaire utopique. Ces différences de prix ne sont donc un avantage que pour nous, et cela fut l'un des arguments principaux dans notre choix de réaliser une partie de la post-production du documentaire au Cambodge.

Mais ne mettons pas la charrue au devant des buffles. Nous sommes encore en plein tournage, pour encore quelques jours. Et Tut ne cesse de nous faire partager ses souvenirs, ses histoires, son quotidien.

Il y a deux jours, après le coucher du soleil, nous avons senti chez lui un certain empressement. Il voulait tout nous dire, tout nous mimer, quitte à devoir le répéter encore et encore, se tournant tantôt vers moi pour me détailler un geste, tantôt vers Emilie en prenant la pause pour qu'elle ait le temps de prendre une photo. Il veut que nous enregistrions tout, probablement dans un devoir de mémoire personnel. Car il est lui-même angoissé par la mort de sa femme, et par sa propre mort. Il nous en a fait part à plusieurs reprises.

Ce devoir de mémoire est intrasèque au Cambodge. De manière globale, historique, générationnelle, et tout autant personnelle, chez tout Cambodgien qui a vécut pendant le régime Khmer Rouge, quoiqu'il ait vécut et de quelque manière que ce soit. Mais est-ce que tout Cambodgien pourrait, comme Tut le fait avec nous, raconter ouvertement son passé ? Non. Clairement non.

The life is clearly less expensive here, but salaries are low, the welfare benefits don't exist, and the minimum "SMIC" is utopic. These price differences are thus an advantage only for us, and it was one of the main arguments in our choice to realize a part of the documentary post-production in Cambodia.

But for now, we are still shooting, for still a few days. And Tut don't stop to share with us his memories, his stories, his everyday life.

Two days ago, after the sunset, we felt from him a certain haste. He wanted to say everything, to mime everything to us, even if he had to repeat it again and again, turning sometimes to me to detail a gesture, sometimes towards Emilie, freezing so that she has time to take a photo. He wants we record everything, probably in a duty of personal memory. Because he's worried by the death of his wife, and by his own death. He told us it repeatedly.

This duty of memory is tangible in Cambodia. In a global, historic, generational, and just as much personal way, for every Cambodian who has lived during the Red Khmer regime, although he has lived and of however way it was. Is every Cambodian could, as Tut with us, tell openly his past? No. Clearly not.

TOURNAGE // SHOOTING // PART 03

Nous en avons eu la confirmation hier, alors que nous enregistrions une interview de Tut avec l'aide de Chan, un ami khmer habitant Kampot qui parlant parfaitement anglais nous a servi d'interprète. Cette interview nous a permis de valider certains épisodes de la vie de Tut, de savoir ce qu'il était advenu de ses parents et de ses neuf frères et soeurs (l'un fut emprisonné et tué à S21, d'autres furent jetés d'un camion sur la colline de Bokor etc), et servira de contexte à d'éventuelles publications photo et de point de départ à une arborescence "data" du webdocumentaire.

We had the confirmation yesterday, while we recorded an interview of Tut with the help of Chan, a Khmer friend living in Kampot who, speaking perfectly English, was a perfect interpreter for us. This interview allowed us to validate certain episodes of the life of Tut, to know what happened to his parents and his nine brothers and sisters (one was imprisoned and killed in S21, some others were thrown from the back of a truck on Bokor hill etc.), and will be used as a context for futures photo publications, and as a starting point for an "data" arborescence in the webdocumentary.

TOURNAGE // SHOOTING // PART 03

Bref. Durant cette interview, Tut nous a reconfirmer qu'avant nous, il n'avait jamais parlé de son passé. Non pas qu'aucune occasion ne lui ait été donnée de le faire, mais qu'il a toujours refusé de répondre à la moindre question. C'est la ressemblance d'Emilie avec l'une des soeurs de Tut qui a servi un jour de déclencheur.

Aujourd'hui, tout est différent pour lui. D'avoir ouvert les vannes a provoqué la curiosité des amis et des voisins, qui ne cessent de le questionner, ce qui parfois l'accable et le fatigue. Au-delà de sa réelle impatience de voir notre film - que nous avons promis de lui montrer dans sa première version chez lui en janvier - il apprécie notre idée de vouloir le projeter dans son village à tous ses amis et voisins, qui pourraient ainsi tout connaître de son passé, et, enfin, le laisser un peu tranquille.

L'ignorance de l'Histoire du Cambodge est donc également interne au pays, et la mise en lumière de l'histoire personnelle de Tut permet d'ouvrir la discussion sur ce sujet dans son village.

Toutes les histoires personnelles construisent l'Histoire du pays, et c'est par ce biais, par ces témoignages, que s'effectue la transmission d'une Mémoire.

In brief. During this interview, Tut re-confirm that before us, he had never spoken about his past. Not that no opportunity was given to him to do it, but he always refused to answer any question. It is Emilie's resemblance with one of Tut sisters which was the magic beginning.

Today, everything is different for him. To have opened gates caused the curiosity of the friends and the neighbors, who do not stop questioning him, that sometimes swamps and tires him. Beyond his real impatience to see our movie - that we promised to show him in its first version in January - he estimates our idea to do a projection of the movie in the village to all his friends and neighbors, who could so know everything of his past, and, finally, leave him a little bit quiet.

The ignorance of the History of Cambodia is thus also internal in the country, and the discovering of the personal history of Tut allows to open the discussion about this subject in the village.

All the personal stories build the History of the country, and it is by this way, by these testimonies, that is made the transmission of a Memory.

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